Avec la digitalisation, une crise des “élites” se fait de nouveau jour

(FILES): This September 15, 2008 file photo shows the sign for Lehman Brothers headquarters in New York. The 158-year-old Lehman filed for bankruptcy protection on September 15, 2008 in the largest US bankruptcy filing in history, leaving the future of 25,000 staff in jeopardy and sending a financial tsunami across the globe that continues to reverberate today. AFP PHOTO / Files / Nicholas ROBERTS / AFP / AFP FILES / NICHOLAS ROBERTS

L’effervescence numérique trouble les gouvernés qui réclament des décisions claires, pertinentes et équitables pour accepter les objectifs communs. Chronique du Monde, 13 mars 2019

 

Personne ne semble plus contester qu’il existe une coupure entre la société réelle et « les élites ». On a tort, car un tel diagnostic confond ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui sont reconnus comme constituant « l’élite ». Comme l’indique l’étymologie, faire partie de l’élite (du latin elire), c’est être considéré parmi les meilleurs par ceux que l’on gouverne. En manifestant qu’elle possède des compétences et des vertus jugées exemplaires, l’élite suscite la confiance. C’est en conséquence de cela que son pouvoir devient acceptable.

Ainsi en est-il de l’élite qui gouverne les entreprises. Pendant le premier siècle du capitalisme (1800-1930), ce sont les entrepreneurs qui la composèrent comme l’a montré la thèse célèbre de Schumpeter (1883-1950) Capitalisme, socialisme et démocratie (1942). Leurs capacités à dominer leurs passions pour réaliser un projet bénéfique à tous supposaient des compétences et des vertus qui donnaient finalement confiance dans le progrès technique et économique qu’ils promettaient de réaliser.

L’élite entrepreneuriale fut renversée dans les années 1930 par les experts en organisation. La production de masse exigea de nouvelles compétences : planification méthodique, capacités à prévoir et à maîtriser les flux productifs dans le long terme. Elle appelait aussi de nouvelles vertus : la rigueur et le jugement pour créer la confiance dans le fonctionnement du système technique. James Burnham (1905-1987), dans L’Ere des organisateurs (1941), a anticipé combien le second siècle du capitalisme industriel (de 1930 à nos jours) devait être celui des technocrates.

Il fallait être ingénieur pour faire partie de cette élite car diriger la construction d’un pont ou l’exploitation d’une mine prouvait que l’on pouvait aussi bien gouverner une organisation avec rigueur : universités et écoles « prestigieuses » en ont formé des générations tant pour la sphère publique que privée.

La financiarisation de l’économie à partir de 1980 a de nouveau changé la donne. Les entreprises ont été vues comme des espaces ouverts et fluides, intégrant des chaînes de valeur mondiales. Il importe d’extraire de l’information, de connecter des données pour repérer la valeur créée à chaque niveau de l’organisation, jusqu’au profit global. Ceux qui maîtrisent les outils et les contrôles financiers assurent aux « marchés » que le résultat promis par l’entreprise sera réalisé.

Les écoles d’élite se sont mises à former une technocratie spécialiste des ratios et des algorithmes. La direction financière est devenue la voie royale pour accéder au gouvernement des grandes entreprises. Mais avec la digitalisation, une crise des élites se fait de nouveau jour. La confiance à l’égard des technocrates est érodée. S’affirmer garant de performances financières aléatoires ne convainc plus. D’où une dépréciation des vieilles élites et une demande pour de nouvelles.

L’effervescence numérique trouble les gouvernés qui réclament des décisions claires, pertinentes et équitables pour accepter les objectifs communs. Quelle nouvelle élite émergera de cette société inquiète et en ébullition ? Sans doute celle qui donnera confiance dans l’orientation durable et juste d’un système économique toujours plus turbulent. En témoigne la popularité des « leaders inspirants », comme le montre le succès du récent livre de Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées de 2014 à 2017, Qu’est-ce qu’un chef (Fayard, 2018). Reste à préciser les compétences et les vertus des catalyseurs de sens qui formeront cette élite – afin de la distinguer de la foule des charlatans.

Equilibrer les rapports de force dans l’entreprise

©Kyodo/MAXPPP - 14/02/2019 ; Combined photo taken in Tsukuba, northeast of Tokyo, on Feb. 13, 2019, shows the logos of Nissan Motor Co. (R) and Renault SA. (Kyodo) ==Kyodo (MaxPPP TagID: maxnewsworldfour741343.jpg) [Photo via MaxPPP]

De solides contre-pouvoirs sont un rempart contre les dysfonctionnements de gouvernance (source)

 

L’affaire Carlos Ghosn a mis au jour des dysfonctionnements dans la gouvernance de Renault-Nissan. Comment éviter de telles situations?

Pierre-Yves Gomez: Il n’y a pas de réponse unique, mais on peut veiller au respect de certains critères. Une bonne gouvernance est le résultat d’un rapport de force équilibré entre les actionnaires, les dirigeants et le conseil d’administration. Leurs pouvoirs doivent donc être définis de manière la plus claire possible: qui fait quoi, quels sont les responsabilités et les contre-pouvoirs? Un actionnaire fort et un conseil d’administration impliqué exerceront un contre-pouvoir solide, rempart contre les dysfonctionnements de l’exécutif. Il faut veiller en sens inverse à ce que le conseil d’administration n’empiète pas sur le travail de l’exécutif. C’est un art de l’équilibre.

Les grandes entreprises sont-elles les plus exposées aux dérives?

P.-Y. G.: Ce n’est pas une question de taille. Dans les grandes entreprises dont le capital est très dilué, l’assemblée générale annuelle se contente d’entériner les décisions du dirigeant. Celui-ci prend un poids démesuré dès lors qu’il fait aux actionnaires des promesses de dividendes élevés. Ceux-ci soulèvent alors peu de questions de fond et se satisfont du cours de l’action.

Le cas d’une grande entreprise familiale est différent si la famille exerce pleinement sa responsabilité d’actionnaire – au nom de la continuité de l’entreprise qu’elle prétend incarner. Il peut en résulter un réel contre-pouvoir au dirigeant. Pensez à L’Oréal. C’est un groupe géant sur lequel la famille Bettencourt a longtemps exercé un suivi régulier et précis.

La situation est-elle différente dans les entreprises dont l’État est actionnaire?

P.-Y. G.: À l’époque où l’État menait une véritable politique industrielle, la détention de capital dans les entreprises publiques servait sa stratégie et le dirigeant s’y soumettait. Depuis plusieurs décennies, l’État s’est désinvesti de la question industrielle et il s’aligne le plus souvent sur la stratégie définie par le dirigeant.

Que faudrait-il améliorer?

P.-Y. G.: Des administrateurs indépendants ont été introduits et le nombre d’administrateurs salariés a augmenté. Il s’agit à présent de réformer les assemblées générales. Organiser une AG qui dure trois heures, une seule fois par an, pour que les actionnaires exercent leur pouvoir, c’est une illusion. Certains proposent par exemple de la réunir plusieurs fois dans l’année pour examiner des thématiques spécifiques: stratégie, approbation des comptes, nominations. Cela créerait une culture de la délibération dans les entreprises. Au final, la gouvernance repose sur des personnes. L’art de gouverner doit s’apprendre. Bien sûr, une formation sérieuse ne pourra jamais empêcher la malhonnêteté d’un dirigeant, mais elle pourra sensibiliser aux vertus qu’il nécessite, à savoir le courage, l’humilité et la prudence.

Le débat sur la répartition de la valeur ne peut se résumer à l’opposition simpliste des salariés et des actionnaires

roue ecureuil

 

Les entreprises du CAC 40 ont versé en 2018 près de 46,5 milliards d’euros de dividendes, contre 43 milliards en 2008. Certains ont célébré ces profits record et le retour à la prospérité d’avant-crise. Pour d’autres, ce chiffre est une nouvelle manifestation de l’avantage dont les actionnaires bénéficient sur les salariés. Si on tient compte des rachats de leurs propres actions par les grandes entreprises, ce sont 57,5 milliards qui ont été récupérés par leurs actionnaires, soit 13 % de plus qu’en 2017. La même année, le revenu des ménages a augmenté de 2,6 % (« Les comptes de la Nation en 2017 », Insee), et les rémunérations des dirigeants du CAC 40 de 14 % (étude Proxinvest 2018).

Les controverses sur la répartition de la valeur créée par les grandes entreprises sont ainsi relancées. Mais elles peuvent conduire à des conclusions simplistes. D’abord, les dividendes versés en 2018 ne sont pas « record ». Ils s’élevaient déjà à 45,8 milliards en 2014 et à 46,2 milliards en 2016, soit un chiffre très proche des 46,5 milliards de 2018. Cela fait quelques années que le niveau des dividendes du CAC 40 a dépassé celui de la fin des années 2000.

A qui bénéficie réellement cette manne ? Selon Euronext (« Qui sont les actionnaires du CAC 40 ? », 2018), pour moitié à des investisseurs étrangers qui gèrent l’épargne-retraite par capitalisation de salariés essentiellement anglo-saxons. Pour une autre moitié, des actionnaires français, dont 10 % sont des familles d’entrepreneurs, 3 % des salariés et 3 % l’Etat, le solde étant composé de gestionnaires de portefeuilles financiers (Sicav, assurances-vie, plans d’épargne en actions) pour le compte des ménages. Au total, les deux tiers des 57,5 milliards ont donc été perçus par des épargnants français ou étrangers, notamment pour constituer leurs retraites.

On peut désapprouver cette « économie de rente » favorable aux seuls salariés capables de constituer une épargne financière, et critiquer les opérateurs de cette économie qui prélèvent au passage des revenus indécents. Reste que derrière l’actionnariat des très grandes entreprises, c’est la masse de ménages détenteurs de titres qui est concernée. Voilà qui complexifie un peu le débat sur la répartition de la valeur.

Les services généraux externalisés

Il est plus pertinent, en revanche, de mettre en relation le montant des dividendes versés avec la création d’emplois par les très grandes entreprises : entre 2008 et 2018, les effectifs français et étrangers de ces sociétés ont baissé de 1 %, selon une étude de l’Institut français de gouvernement des entreprises (« Les entreprises françaises sont-elles encore françaises », IFGE, 2018). Elles ont donc réalisé plus de profit avec moins de salariés. Comment est-ce possible ?

Un élément de réponse se trouve dans la croissance concomitante du secteur des services généraux (en anglais facility management) comprenant le nettoyage, la sécurité, la restauration, l’accueil, ou encore la gestion des flottes de véhicules. Ces activités sont systématiquement sous-traitées à des entreprises spécialisées : selon le consortium de recherche CRDIA, le secteur a crû de 4 % par an depuis 2008 et il emploie désormais 5 % de la population active, soit 1,5 million de salariés. Or les charges des entreprises de services généraux sont composées à 90 % de main-d’œuvre, dont la moitié est payée au smic horaire. Leurs marges sont de 3 % en moyenne et leurs profits très faibles.

Les très grandes entreprises peuvent verser des dividendes d’autant plus élevés, y compris pour valoriser l’épargne en actions de certains ménages, qu’elles ont largement externalisé leurs services généraux : elles font supporter les coûts du travail déqualifié à leurs sous-traitants, mis en concurrence par les prix.

Le débat sur la répartition de la valeur ne peut donc se résumer à l’opposition simpliste des salariés et des actionnaires. Deux populations d’entreprises se confrontent de manière plus décisive : celles qui prospèrent dans une économie mondialisée et profitable, parce que d’autres réalisent une part de leur production dans une économie périphérique et invisible.

Carlos Ghosn ou le mythe de la rationalité sans frontières

Chronique de Pierre-Yves Gomez dans Le Monde du 14/12/2018

« La succession d’un tel leader au pouvoir absolu est une fenêtre de tir idéale pour avancer des pions et recomposer les pouvoirs » (Carlos Ghosn, en septembre 2017 à Paris).

La chute brutale de Carlos Ghosn a stupéfié le monde des affaires. Elle n’aurait pourtant pas dû émouvoir ceux-là mêmes qui invitent à accueillir avec enthousiasme la remise en cause permanente des modèles industriels et des avantages acquis. Après tout, que l’instabilité des postes concerne aussi les dirigeants confirme la réalité d’une économie qui se targue d’être en mouvement perpétuel…

Au-delà de ces apparences, la disgrâce de M. Ghosn s’inscrit en réalité dans une logique banale de compétition pour le pouvoir, notamment lorsque s’ouvre une guerre de succession. Banalité qui donne l’occasion de lever deux illusions sur la gouvernance des très grandes firmes multinationales.

Première illusion : croire que la gouvernance de ces entreprises obéit à une rationalité pure, exempte de passions et d’ambitions privées. Loin d’être institué de manière impartiale pour le service de l’intérêt économique de l’entreprise, le pouvoir de gouverner se désire et se gagne. En vingt ans, M. Ghosn a catalysé par son travail et son charisme un empire industriel devenu le numéro un mondial de l’automobile. A 64 ans, régnant sur près d’un demi-million de collaborateurs dans le monde, il présidait à la fois le groupe multinational et chacune de ses entités nationales : Renault, Nissan, Dacia, AvtoVAZ (la marque Lada) et Mitsubishi Motors depuis 2016.

Un coup fatal

Comme souvent dans les jeux de gouvernance, la succession d’un tel leader au pouvoir absolu est une fenêtre de tir idéale pour avancer des pions et recomposer les pouvoirs : après Carlos Ghosn, le maître du groupe mondial sera-t-il français, comme Thierry Bolloré, actuel DG adjoint de Renault, ou japonais, comme Hiroto Saikawa devenu DG de Nissan en 2017 ?

Question d’orgueil national autant que d’ambitions privées. Les Japonais supportent mal que Renault possède 43 % de Nissan quand leur société ne détient que 15 % du constructeur français et aucun droit de vote. Les dirigeants japonais sont de ce fait privés de toute possibilité de conduire la stratégie du groupe. Pourtant, en 2017, le chiffre d’affaires de Renault était de 59 milliards d’euros, quand celui de Nissan atteignait 93 milliards. Le résultat net du constructeur français était de 2,5 milliards, contre 6,6 milliards pour la firme japonaise. Nissan contribue puissamment à un empire industriel sans que ses dirigeants ne le gouvernent…

La succession de M. Ghosn attise donc ambitions et calculs. Or, la meilleure façon de s’assurer de l’avenir est de précipiter le cours des choses : sur la base d’une dénonciation anonyme, M. Ghosn est accusé de dissimulation au fisc. La justice aura à établir l’exactitude et l’ampleur de la fraude. Mais déjà, en emprisonnant le dirigeant, un coup fatal lui est porté : faire perdre la face est la manière la moins sanglante que le Japon ait inventée pour se débarrasser de quelqu’un. A travers M. Ghosn déchu de la présidence de Nissan et de Mitsubishi, la position des Français est attaquée. C’est donc selon un nouveau rapport de force que se prépare la prochaine séquence de cette partie de go.

Illusion

Une partie qui nous permet de dissiper une deuxième illusion sur la gouvernance des grands groupes. La globalisation n’a pas fait disparaître les ancrages culturels nationaux, même aux niveaux de pouvoir les plus élevés. Au contraire, l’identité nationale constitue une ressource sérieuse pour soutenir les mouvements stratégiques des dirigeants et avancer leurs pions. Ainsi, à Billancourt, on s’appuie aujourd’hui sur l’Etat français actionnaire pour conserver à M. Ghosn la présidence de Renault et tenir la position actuelle dans l’alliance. A Yokohama, siège de Nissan, on compte sur la justice japonaise pour le garder un peu plus longtemps en prison et affaiblir encore la position française.

M. Ghosn a incarné le triomphe d’une globalisation supposée conduire à l’effacement des spécificités nationales au profit des entreprises transnationales. Son éviction nous montre que le monde reste un assemblage de nations que les grandes entreprises exploitent mais ne transcendent pas.

Le puzzle de la loi Pacte

L’entreprise est un acteur politique qui détermine nos façons de vivre tant individuelles que collectives. Ce constat devenu banal nécessite de réformer sa gouvernance pour préciser sa responsabilité tant économique que sociale et politique. D’où une large consultation publique sur le sujet, qui a débouché sur l’adoption, le 9 octobre, en première lecture par l’Assemblée nationale, du projet de loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Une mission présidée par Nicole Notat et Jean-Dominique Senard avait préalablement synthétisé les avis sur ces questions et remis au gouvernement, le 9 mars, un rapport plutôt prudent car lucide sur les résistances au changement du monde des affaires lorsqu’on touche aux questions de gouvernance des entreprises, et donc de leur pouvoir de diriger.

Le rapport avançait 14 recommandations pour préciser la responsabilité de l’entreprise, mais sa contribution principale fut d’exprimer clairement la tension que vivent beaucoup d’entreprises entre, d’un côté, leur financement exigeant des rendements soutenus à court terme, et, de l’autre, les marges de manœuvre qu’il faut préserver pour assurer des décisions de long terme. Comment sortir du dilemme entre la pression de la finance et le respect de l’autonomie stratégique ?

Le rapport inclinait pour des réformes de gouvernance donnant (un peu) plus de latitude à long terme aux entreprises face aux marchés : la recommandation 6 proposait une modeste augmentation du nombre de salariés dans les conseils d’administration. La recommandation 11 suggérait la possibilité d’inscrire dans les statuts la raison d’être de l’entreprise.

Deux recommandations semblaient davantage décisives pour une réforme véritable : la n° 4 invitait les grandes entreprises à se doter d’un comité de parties prenantes indépendant du conseil d’administration afin de limiter le poids des actionnaires ; la n° 14 demandait de favoriser « la détention de parts sociales majoritaires par des fondations » pour encourager un « capital patient », échappant au jeu des marchés.

« Et en même temps »…

Le projet de loi Pacte prend lui aussi acte du dilemme entre la pression des marchés et la préservation des marges de manœuvre des entreprises. Mais il évite soigneusement de le trancher, selon la désormais célèbre doctrine du « et en même temps ».

Ainsi, pour les entreprises de plus de 1 000 employés, on passera à 2 administrateurs salariés dans les conseils comportant plus de 8 membres (au lieu de 12 actuellement) ; il sera ajouté dans l’article 1833 du code civil que la gestion de l’entreprise doit prendre en considération « des enjeux sociaux et environnementaux », et une entreprise pourra inscrire (si elle le désire) sa « raison d’être » dans ses statuts. La loi renforcera la protection des intérêts publics en cas de rachat des entreprises dites « sensibles ». Rien de révolutionnaire, mais une reconnaissance au moins symbolique de la responsabilité individuelle des entreprises dans la société.

« En même temps », le projet de loi oriente davantage l’épargne salariale vers le placement en actions par une batterie de mesures visant à assouplir la détention de plans d’épargne retraite et à « renforcer la contribution de l’assurance-vie au financement de l’économie » en promettant d’apporter « plus de rendement pour les assurés et d’investissement en actions ». Il encourage aussi « l’accès des entreprises aux marchés financiers » en supprimant certaines obligations d’information pour les plus petites. Il autorise la cession de capital public détenu dans les sociétés ADP (ex-Aéroports de Paris), Française des jeux et Engie. Bref, la loi renforcera de fait… la pression des marchés financiers sur la gouvernance des entreprises.

Chacun trouvera une pièce qui le réjouit dans le puzzle qu’elle propose. Et en même temps, on risquera d’être déçu car, encore une fois, voici une réforme qui se garde de donner réponse à la question principale : qu’est-ce qui légitime le pouvoir des entreprises ? Leur résultat financier ou leur contribution au bien commun ?

Protéger les entreprises nationales… Mais qu’est-ce qu’une entreprise « nationale » ?

france, Paris, bouche de metro devant la bourse

France, Paris, bouche de metro devant la bourse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tribune du Monde du 13 juillet 2018.

A l’heure où des publics joyeux agitent leurs drapeaux et s’enflamment pour des footballeurs qu’ils voient rarement évoluer dans leurs propres championnats, la Coupe du monde éclaire, à sa façon, les enjeux complexes de la mondialisation : une équipe « nationale » peut être composée de joueurs qui n’évoluent qu’à l’étranger, où ils créent de la valeur.

Même constat dans la compétition géopolitique qui fait rage depuis quelques mois : les politiques prétendent défendre bruyamment leurs entreprises « nationales », à coups de tarifs douaniers ou de lois protectrices. Mais qu’est-ce qu’une entreprise « nationale » ?

Le rapport annuel 2018 du cabinet d’audit PwC dresse la liste des 100 premières entreprises mondiales selon leur capitalisation boursière et leur nationalité (« Global Top 100 Companies », mars 2018) : 54 d’entre elles sont américaines, 17 asiatiques dont 12 chinoises, 1 africaine, 1 sud-américaine et 27 européennes dont 4 françaises (LVMH, Total, L’Oréal, Sanofi).

Ce classement met en évidence la concentration et le contrôle du financement par des marchés dominants, ainsi que la modification des forces géopolitiques, puisqu’on voit émerger cette année deux entreprises chinoises parmi les dix premières. Mais les entreprises qui entrent dans le classement sont rarement strictement « nationales », c’est-à-dire entièrement américaines, chinoises ou françaises.

Euronext

Une étude de l’Institut français de gouvernement des entreprises le montre dans le cas français (« Les grandes entreprises sont-elles (encore) françaises ? », Preuves à l’appui n° 6, mars 2018). Elle porte sur les 85 plus grandes sociétés inscrites au registre du commerce en France, cotées sur Euronext Paris et qui réalisent environ le tiers de notre produit intérieur brut. Trois dimensions sont prises en compte : leurs effectifs, leur chiffre d’affaires et leur capital. Pour chacune de ces dimensions est calculée la part « française » pour 2015 et son évolution depuis 2005.

En moyenne, en 2015, seulement un tiers des salariés de ces entreprises travaillent en France ; ils étaient 40 % en 2005. Les ventes réalisées en France représentent le quart de leur chiffre d’affaires, contre 34 % en 2005. Enfin, 56 % de leur capital sont détenus par des Français en 2015. Elles restent donc contrôlées par des nationaux, mais l’évolution a été particulièrement rapide puisque les actionnaires français possédaient encore 72 % de leur capital en 2005.

Ainsi, en termes de travail, de capital et de chiffre d’affaires, les très grandes sociétés cotées à Paris créent de la valeur dans un espace qui est de moins en moins « national ». Ajoutons que ces moyennes cachent des situations contrastées, car si des entreprises comme EDF ou Orange produisent encore largement en France, d’autres comme Total ou Sanofi ont atteint des niveaux d’internationalisation tels que la part « française » ne dépasse pas 20 % sur aucune des trois dimensions.

En quoi peut-on donc dire que ces entreprises sont « françaises » ? La réponse se trouve dans leur gouvernance : 80 sur 85 ont leur siège social en France (dont 73 dans l’ouest de la région parisienne) ; 90 % de leurs dirigeants et 92 % de leurs administrateurs sont français. C’est un réseau sociologique étroit qui noue l’appartenance à une élite locale et attache encore les entreprises mondialisées à l’espace culturel et politique national.

Ancrage local

Deux stratégies géopolitiques s’affrontent désormais dans la guerre commerciale pour la défense des entreprises.

Un nationalisme protectionniste cherche à faire coïncider leur espace avec celui de la nation. Pour lui, la puissance géopolitique exige que les entreprises jouent et gagnent le plus possible dans leur pays.

A l’inverse, un nationalisme expansionniste considère que l’influence géopolitique est garantie grâce à des entreprises globalisées qui exploitent essentiellement des opportunités mondiales.

Mais même cette option exige que, pour bénéficier d’une part de la valeur créée ailleurs, la gouvernance de ces entreprises demeure ancrée localement. Sans cela, il n’y a plus d’équipe nationale…

La question du fondement légitime de la gouvernance s’étend désormais aux entreprises transnationales

image fondements légitimité gouvernance

 

 

 

 

 

 

 

Tribune du Monde. 15 juin 2018

Le 23 avril 1848 eut lieu pour la première fois en France l’élection d’une Assemblée constituante au suffrage universel. Jusqu’alors, le suffrage censitaire réservait le droit de vote à une minorité de propriétaires au motif que, détenant une certaine fortune et contribuant par leur impôt au budget de l’Etat, ils avaient un intérêt singulier à participer aux affaires publiques : les erreurs des politiques pouvaient déprécier leur patrimoine. Selon ce principe, le droit de vote généralisé encourage les promesses démagogiques envers ceux auxquels elles ne coûtent rien.

L’universalité du suffrage, elle, établit que la qualité d’électeur est fondée sur la seule citoyenneté. Telle fut la grande rupture dans la gouvernance de nos sociétés : ce n’est pas l’intérêt individuel et patrimonial qui légitime le droit de choisir nos dirigeants, mais l’égale appartenance des électeurs à la nation. Le suffrage universel affirma que le corps social était le bien commun de tous ceux et celles qui le construisent par leur travail, leur capital, leurs idées ou leurs engagements, et qui manifestent en votant un intérêt pour son devenir. Pas à pas, l’électorat a pu être élargi (genre, âge), selon ce principe, à toute la population majeure.

Un tel exercice de la souveraineté n’a pas néanmoins jailli d’une simple loi. Alain Garrigou a montré dans sa passionnante Histoire sociale du suffrage universel en France (Seuil, 2002) que la démocratie s’est développée comme une « technique sociale » donnant aux électeurs des règles de conduite, y compris en tant qu’individus. Elle a exigé leur éducation (instruction publique obligatoire), leur participation au financement de l’Etat (universalisation de l’impôt), l’autorisation des partis politiques de masse ou la médiatisation ritualisée des débats. L’élection de 1848 a inauguré une transformation de la société française qui s’est déployée sur des décennies, au fur et à mesure que furent « inventés » les compétences et les devoirs des électeurs.

Elargir la souveraineté

Moins de deux siècles plus tard, la question du fondement légitime de la gouvernance s’étend désormais aux entreprises transnationales. Du fait de leur taille, celles-ci peuvent échapper aux règles des Etats, leur puissance permet d’influencer les peuples et même d’agir sur les régulations publiques. Leur gouvernance importe donc : qui a le droit légitime d’exercer en leur nom le pouvoir souverain ?

Par pouvoir souverain, on entend le droit de nommer les dirigeants et de légitimer l’orientation générale de l’entreprise. Il est confié le plus souvent aux propriétaires de parts sociales, les actionnaires. Leurs intérêts exigent en effet une bonne gestion puisque, en cas de mauvais résultats, ils perdent sinon leur patrimoine, tout au moins une partie de sa valeur. Elargir la souveraineté à des parties prenantes, qui ne perdraient rien en cas d’erreur de gestion, serait favoriser la démagogie. Tels sont les arguments militant pour un suffrage censitaire réservé aux actionnaires.

On leur oppose que l’intérêt des actionnaires peut se réaliser au détriment des autres acteurs qui participent aussi à la création de valeur. Si ceux-ci s’intéressent à la continuité de l’entreprise et s’ils s’en sentent responsables, ils doivent pouvoir participer à sa gouvernance. C’est la logique d’un suffrage universel ouvert aux parties prenantes.

Ces arguments prolongent les batailles politiques engagées depuis le XIXe siècle. L’Histoire montre que si les parties prenantes assumaient un jour l’exercice du pouvoir souverain, ce ne serait pas par un simple remplacement des actionnaires. Comme pour la démocratie politique, une « technologie sociale » se déploierait, impliquant l’invention de nouveaux rituels de gouvernance, l’éducation massive des parties prenantes, des modes originaux de représentation de leurs opinions, la possibilité de débats publics entre elles. Au-delà des entreprises, ces transformations affecteraient toute la société. En attendant, le règne des actionnaires conforte la culture dans laquelle nous vivons.

Les « histoires hallucinantes » de la Silicon Valley

Former U.S. President Bill Clinton (L) speaks with Jack Ma (R), executive chairman of Alibaba Group, and Elizabeth Holmes, CEO of Theranos, during the Clinton Global Initiative's annual meeting in New York, September 29, 2015.  REUTERS/Brendan McDermid  - RTS2BYH

Theranos, fondée en 2003 par Elizabeth Holmes, âgée de 19 ans, se donnait pour mission de métamorphoser l’industrie de l’analyse médicale » (Elizabeth Holmes, entre l’ancien président des Etats-Unis Bill Clinton et Jack Ma (Alibaba Group), en 2015). © Brendan McDermid / Reuters / REUTERS

Dans sa chronique, Pierre-Yves Gomez explique que les stupidités, les escroqueries ou les erreurs stratégiques sont les contreparties du manque de discernement de dirigeants-fondateurs cumulant les fonctions de président et de directeur général et donc les pouvoirs de direction et de contrôle.

Entreprises. En 1968, la Californie faisait déjà rêver les jeunes en leur ouvrant des perspectives de paradis artificiels, de liberté hippie et de pacifisme fleuri. Cinquante ans plus tard, elle envoûte désormais par son business disruptif, l’aplomb avec lequel de jeunes businessmen affirment de nouveau qu’ils vont changer le monde et les parfums de dollars qui s’en dégagent.

Les fumées commencent pourtant à se dissiper un peu sur les révolutions économiques et sociales qu’on y conçoit. La ridicule affaire Juicero a sonné comme un réveil brutal. Cette start-up fondée en 2013 promettait de démocratiser la consommation mondiale de jus de fruits. Son fondateur, Doug Evans, avait inventé une machine capable d’appliquer trois tonnes de pression sur une poche contenant des fruits frais déjà pelés et découpés pour en extraire le jus.

Il avait levé 120 millions auprès de fonds de capital-risque comme Google Venture ou Kleiner Perkins (qui investit aussi chez Google, Twitter, Amazon). Hélas, deux journalistes de Bloomberg ont montré dans une vidéo que le résultat obtenu par cette merveille technologique vendue 700 dollars pouvait l’être… en pressant simplement la poche de ses mains. Devenue la risée de Palo Alto, Juicero a fermé en septembre 2017.

Résultats quasi inexistants et chiffres truqués

Moins drôle est l’histoire de Theranos. Fondée en 2003 par Elizabeth Holmes, âgée de 19 ans, la start-up se donnait pour mission de métamorphoser l’industrie de l’analyse médicale grâce à une technique géniale permettant de réaliser 200 types d’examens en prélevant seulement quelques gouttes de sang d’un patient.

Theranos a levé 700 millions de dollars auprès d’investisseurs, sa capitalisation a dépassé les 10 milliards en 2014 et sa dirigeante est devenue une des stars milliardaires les plus médiatisées de la Silicon Valley. Jusqu’à ce qu’en mars 2018 l’escroquerie de l’icône des start-up soit éventée : la technologie était surestimée, les résultats obtenus quasi inexistants, les chiffres truqués. Exsangue et débarrassée d’Elizabeth Holmes, inculpée pour fraude, Theranos a dû revenir à des ambitions plus modestes et plus saines.

Au même moment a éclaté l’affaire Cambridge Analytica. Moins de quinze ans après sa fondation, Facebook gère un réseau social de 2,2 milliards d’utilisateurs, génère un bénéfice annuel de 16 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 40 milliards de dollars, dont 95 % tirés de la vente de publicité. Le scandale a dévoilé que l’entreprise était incapable de réagir correctement à un détournement d’informations tirées de sa gigantesque base de données à partir de sa plate-forme.

Inquiétante détentrice de milliards de données personnelles

Pis, alors qu’elle affirme que sa mission est « de rendre le monde plus ouvert et plus connecté », elle est apparue comme l’inquiétante détentrice de milliards de données personnelles qu’elle entend exploiter à son profit. Son fondateur, Mark Zuckerberg, auquel on prêtait un destin présidentiel, a dû s’expliquer en avril devant le Congrès américain et devra renouveler l’exercice fin mai devant le Parlement européen.

Retour au réel, donc : dans la Silicon Valley comme ailleurs, les stupidités, les escroqueries ou les erreurs stratégiques sont les contreparties du manque de discernement. On aurait tort de croire qu’elles sont dues à l’immaturité de flamboyants entrepreneurs. Les conseils d’administration des start-up californiennes sont largement composés d’experts en technologies de pointe et la moyenne d’âge dépasse 50 ans – 55 ans pour Facebook et même 75 ans chez Theranos !

Mais la gouvernance de ces entreprises reste floue du fait que les dirigeants-fondateurs cumulent les fonctions de président et de directeur général et donc les pouvoirs de direction et de contrôle. De plus, les administrateurs sont souvent eux-mêmes des entrepreneurs de la Silicon Valley ou des fonds d’investissement qui les financent. Ce petit univers s’enthousiasme collectivement et s’autocélèbre collégialement. Il n’est pas étonnant que, dans une atmosphère aussi confinée où les montants des financements circulent sans entraves pour doper n’importe quel projet, on aboutisse parfois à des histoires hallucinantes.

Partage des profits : « Sortir du carcan de la financiarisation n’est pas simple »

image partage du gateau

Le rapport de l’ONG Oxfam sur la répartition des bénéfices des entreprises du CAC 40 divise les économistes.

TribunePublié le 2 mai 2018, le rapport de l’ONG Oxfam « CAC40 : des profits sans partage » montre que pour 100 euros de bénéfice réalisés par les entreprises du CAC40 en 2017, 67 euros ont été versés à leurs actionnaires sous la forme de dividendes, 27 euros ont été utilisés pour réinvestir et 5 euros ont été distribués aux salariés sous forme de primes (Le Monde du 15 mai 2018). Parallèlement, l’écart de rémunérations entre un dirigeant de ces entreprises et la moyenne de ses salariés est passé de 96, en 2009, à 119, en 2017. L’ensemble plaide pour un rééquilibrage de la répartition de la valeur créée au profit des salariés.

On a vite dénoncé les erreurs méthodologiques et les conclusions hâtives de ce rapport. Certes, elles sont nombreuses, mais la manœuvre ressemble trop à une diversion, un peu comme si on discutait de la fiabilité du thermomètre devant un malade tremblant de fièvre.

Car s’il est une critique que l’on peut formuler à l’égard du rapport d’Oxfam, c’est qu’il n’apporte pas un regard nouveau sur une situation désormais bien connue : les statistiques s’accumulent depuis des années pour mettre au jour une déformation des revenus en défaveur des salaires et au bénéfice des produits financiers. La « création de valeur pour l’actionnaire » est un ressort majeur du gouvernement des entreprises depuis plus de vingt ans et l’accroissement des revenus des dirigeants des grands groupes par rapport à leurs salaires est bien documenté, en France comme dans le reste du monde.

Bureaucratie du chiffre

Rien de nouveau, donc, et on sait comment on en est arrivé là. A partir des années 1970, la réforme du financement du système de retraite américain a bouleversé l’économie mondiale. En 1974, le « Employee Retirement Income Security Act » (Erisa) a exigé que les caisses de retraites des salariés (les fameux pension funds, ou fonds de pension) diversifient le placement des fonds collectés. Des masses considérables d’épargne ont été déportées sur les marchés boursiers. Les fonds de pension sont devenus des organismes financiers, et de nouveaux intervenants – les gestionnaires d’actifs (fonds d’investissement et fonds spéculatifs ou hedge funds) sont apparus pour gérer leur épargne.

Le big bang de la place de New York a été imité par toutes les places financières du monde pour permettre aux entreprises de profiter partout d’augmentations de capital, plus souples et moins chères que le crédit bancaire. Entre 1975 et 1995, les marchés ont pris le dessus sur le financement bancaire. C’est ce qu’on appelle « la financiarisation de l’économie ».

Mises en concurrence pour capter cette manne financière, les grandes entreprises ont dû promettre aux gestionnaires de fonds des dividendes toujours aussi élevés que ceux versés par leurs concurrents. Il s’en est suivi une course à la réorganisation des processus industriels de manière à faire apparaître « la création de valeur pour l’actionnaire » à toutes les étapes de la production.

Les marchés ont exigé des garanties sur cette « valeur » dont dépend la rémunération de l’argent qui leur est confié dans une industrie elle-même très compétitive. Les grandes entreprises ont dû leur fournir des indicateurs d’abord semestriels, puis trimestriels sur leurs perspectives de profits. Les systèmes d’information et de contrôle interne ont été réorganisés en conséquence pour former une sorte de bureaucratie du chiffre. Enfin, la rémunération des dirigeants a été indexée sur les résultats financiers pour les encourager à servir la valeur pour l’actionnaire. Ce fut « la financiarisation des entreprises ».

Une pression croissante pour créer de la valeur actionnariale

Le rapport Oxfam en recense aujourd’hui quelques symptômes pour les entreprises du CAC40. Encore est-il en dessous de la vérité, car la création à tout prix de valeur pour l’actionnaire s’effectue aussi par d’autres techniques courantes : rachat d’actions par l’entreprise pour faire monter artificiellement le cours ; fusions et acquisitions pour donner au marché l’illusion de la croissance.

Les impacts négatifs de la financiarisation sur l’activité même des entreprises sont de deux ordres. D’une part, on a assisté à une intensification du travail soumis à une pression croissante pour créer de la valeur actionnariale, au risque d’épuiser cette ressource (burn-out, démissions « internes », perte de confiance…). D’autre part, la financiarisation a limité l’autonomie stratégique des entreprises, qui doivent s’ajuster sur les attentes court-termistes de marchés à l’horizon au mieux annuel.

Selon une étude de McKinsey, ce court-termisme se caractérise par des investissements limités, le dogme de la réduction des coûts et de l’objectif trimestriel à atteindre (Measuring the Economic Impact of Short-Termism, 2017). Ces phénomènes se sont dramatiquement accrus entre 2002 et 2015, et concernent 73 % des 600 entreprises étudiées… alors que les 23 % qui ont maintenu une stratégie de long terme ont enregistré des performances supérieures dans tous les domaines !

On s’arrête trop souvent au constat de la hausse des dividendes

Mais sortir du carcan de la financiarisation n’est pas si simple. Car on s’arrête trop souvent au constat de la hausse des dividendes en omettant de se demander qui sont les actionnaires. Selon une étude d’Euronext (Qui sont les actionnaires du CAC40 ?, 2018), les bénéficiaires des dividendes versés par les grandes entreprises sont en premier lieu les gestionnaires d’actifs, (45 % de l’actionnariat connu), puis les fondateurs et leurs familles (17 %), les petits porteurs (9 %) et les salariés (5 %). Or les gestionnaires d’actifs placent l’épargne des ménages, en particulier celle des futurs retraités canalisée par les fonds de pensions ou les plans épargne retraite. Les dividendes rémunèrent donc l’épargne de millions de ménages qui n’en savent souvent rien et contribuent ainsi à l’intensification du travail et au court-termisme qu’ils subissent… en tant que salariés !

Remettre en question la financiarisation, ce n’est pas rééquilibrer les flux de profit en faveur des salariés comme le suggère le rapport Oxfam, mais réformer la gouvernance des entreprises de manière à ce que les exigences du travail puissent rééquilibrer celles du capital, en étant assumées par les travailleurs-épargnants eux-mêmes. C’est aussi mettre en cause un système d’épargne qui a fait une promesse de revenus, notamment pour garantir un niveau de retraite aux classes moyennes.

Tant qu’on en reste à une caricature de l’actionnaire comme un nanti fumant le cigare et attendant avidement les dividendes qui l’engraissent, on passe à côté de la logique d’un système financier dans lequel nous nous sommes collectivement enfermés. Caricature aussi de l’imaginer comme un entrepreneur héroïque prenant des risques et investissant sa fortune pour explorer les nouvelles sources de création de valeur : il y a longtemps déjà que la gestion du capital des grandes entreprises est confiée à des techniciens de la finance qui misent l’argent des autres et se rémunèrent par leurs spéculations. Les anticapitalistes comme les tenants du capitalisme doivent rénover leurs mythologies.

En attendant, la mauvaise nouvelle du rapport Oxfam est que, dix ans après la crise financière de 2008, nous en sommes au même point. On avait alors espéré une définanciarisation de l’économie. Or, les dividendes, les rémunérations des dirigeants et la valeur pour l’actionnaire continuent de gouverner les entreprises. Quant au travail, une enquête de la Dares montrait dès 2014 que son intensification était repartie à la hausse. Jusqu’à quand ?

Les Caisses d’épargne, des « entreprises à mission »

bicentenaire caisse d'épargne

Extrait du journal Le Monde du 20 avril 2018

Il y a deux siècles, en mai 1818, des hommes d’affaires philanthropes fondaient la première Caisse d’épargne . A une époque où les services bancaires étaient réservés aux élites, cette société anonyme privée se donnait une mission sociale : encourager l’épargne populaire. Il s’agissait de proposer des livrets d’épargne, mais aussi d’éduquer le peuple à l’économie et de lui donner le goût et les moyens de constituer un patrimoine, pour éviter la misère en cas de coup dur. Sur le modèle parisien, des initiatives privées, soutenues par les pouvoirs publics locaux, créèrent des caisses identiques dans toute la France.

Leur développement conduisit l’Etat à inventer pour elles le statut original d’entreprise privée d’utilité publique. Ce statut inscrivait dans le droit que la logique économique était soumise à une mission sociale, déterminant l’orientation stratégique de l’entreprise. C’était en 1835.

D’abord simples collectrices d’épargne, les caisses furent autorisées en 1895 à financer les logements sociaux, les infrastructures d’aides aux personnes en difficulté et à soutenir pécuniairement des oeuvres d’intérêt général. En 1950, leur activité fut étendue au crédit aux collectivités. L’objet social restait en résonance avec l’activité économique de proximité et de développement local, dont les Caisses d’épargne ont été les leadeuses pendant plus d’un siècle, tout en demeurant des sociétés privées.

En 1999, elles changent de statut pour devenir des banques coopératives. Les parts sociales sont détenues par les clients sociétaires. Gouvernée par un conseil d’administration et un directeur, chaque caisse reste autonome quant à la collecte des dépôts et à l’investissement des résultats. Les administrateurs des sociétés d’épargne locales composent l’assemblée générale des caisses régionales, elles aussi autonomes et gérées par un directoire, nommé par un comité d’orientation élu par l’assemblée générale. La même logique ascendante constitue, à l’échelon national, la Fédération nationale des caisses d’épargne.

Mais entre-temps, l’environnement économique des Caisses d’épargne s’est modifié. La plupart des Français sont désormais bancarisés et l’industrie financière, jusqu’alors très réglementée, est libéralisée. En 1983, les Caisses deviennent des établissements de crédit à part entière, comparables aux banques classiques avec lesquelles elles entrent en concurrence frontale.

Pour être profitables, elles développent des activités financières et innovent, en particulier en devenant très actives dans les fonds de placement et les SICAV (Société d’investissement à capital variable). Rationalisation oblige, le nombre de Caisses régionales passe de 585 à 35 entre 1983 et 1992.

En 2006, les Caisses s’associent aux Banques populaires pour créer Natixis, banque de financement cotée qui, pour s’imposer sur le marché, prend des risques importants. Lors de la crise des subprimes en 2008, elle perd jusqu’à 95 % de sa valeur. A la recherche d’une taille critique, les groupes Caisses d’épargne et Banques populaires fusionnent en 2009 pour former la BPCE, deuxième groupe bancaire français. En 2018, il ne reste que 16 caisses régionales.

La riche histoire des Caisses d’épargne éclaire sur deux points la question tant débattue de l’entreprise à mission. D’une part, le souci de conjuguer mission sociale et rentabilité économique est aussi ancien que le capitalisme privé. D’autre part, l’équilibre des deux termes est soutenable dans un environnement modérément concurrentiel. Quand celui-ci s’ouvre à une vive compétition, le besoin de profits pour rester dans la course impose ses priorités.

Le choix du statut d’entreprise à mission ne peut donc être indifférent au contexte concurrentiel des entreprises : soit le périmètre économique de celles qui se donnent une mission sociale est régulé pour éviter une compétition insoutenable. Soit l’obligation de se donner une telle mission s’impose à toutes les entreprises, qui se concurrencent alors sur leur capacité à combiner les exigences de la mission et celles de la rentabilité.

Pierre-Yves Gomez

Preuves à l’appui: Les grandes entreprises sont-elles (encore) françaises ?

Lyon, 26 mars 2018 – L’Institut Français de Gouvernement des Entreprises (IFGE) publie le 6ème cahier de recherche Preuves à l’appui avec pour thème conducteur : les grandes entreprises sont-elles encore françaises ? Cette analyse se fonde sur les données de 99 entreprises du SBF 120.

89% des levées de fonds captées par 85 entreprises…

Les entreprises géantes (plus de 25 000 salariés ou CA supérieur à 7,5 milliards d’euros) produisent près de la moitié du PIB français, directement ou indirectement. Elles ont absorbé 89% des levées de fonds sur la place de Paris entre 1993 et 2015.

… mais elles ont créé 1% d’emplois en France depuis 10 ans 

Ces entreprises ont augmenté leurs effectifs de 30% entre 2005 et 2015 mais 46% à l’international et seulement 1% en France…

Peut-on encore dire que ces sociétés sont « françaises » ?

Pour répondre à cette question, les chercheurs de l’IFGE ont dépouillé 10 ans de données sur trois dimensions : l’emploi, le chiffre d’affaires et l’actionnariat. Il en résulte un nouveau « Preuves à l’appui » qui tord le cou à quelques idées reçues : seuls 32% des emplois des entreprises géantes sont localisés en France ; à peine 26% du chiffre d’affaires est réalisé en France mais 56% du capital sont encore détenus par des résidents français. De plus, 90% de leurs dirigeants sont français.

En d’autres termes, les entreprises géantes qui dominent notre économie ne sont françaises que… par leurs actionnaires et leur gouvernance ! Pour combien de temps ?

D’autres données essentielles sont présentées sur l’évolution depuis dix ans et une typologie originale de ces entreprises. Réalisé par Simon Rossi, chercheur et Pierre-Yves Gomez, directeur de l’IFGE, ce « Preuves à l’Appui » est indispensable au moment où on discute la loi PACTE et les responsabilités de l’entreprise à l’égard de la société.

Lien vers le Preuves à l’Appui n°6.

A Versailles, l’hommage aux « décideurs qui comptent vraiment » de l’économie mondiale

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/08/a-versailles-l-hommage-aux-seigneurs-de-l-economie-mondiale_5253825_3232.html#fk0VaLbTBk6Gfr17.99

French President Emmanuel Macron walks through the Galerie des Bustes (Busts Gallery) to access the Versailles Palace's hemicycle for a special congress gathering both houses of parliament (National Assembly and Senate) in the palace of Versailles, outside Paris, on July 3, 2017. / AFP PHOTO / POOL / Etienne LAURENT

Entreprises. Dans son grand essai sur le processus de civilisation, L’Essor de l’Occident (1969), le sociologue allemand Norbert Elias (1897-1990) a montré que l’accumulation et la concentration monopolistique des ressources sont une loi constante des sociétés. Elle élimine la concurrence entre détenteurs de pouvoir locaux jusqu’à l’apparition de grands féodaux, eux-mêmes dépassés finalement par un des leurs qui établit un pouvoir dominant et bureaucratique en centralisant les ressources et les budgets.

A cette loi de concentration fait pendant une loi de désagrégation sociale, au terme de laquelle le pouvoir central décline et se dissout en d’innombrables pouvoirs locaux en concurrence les uns avec les autres, jusqu’à ce qu’émergent de nouvelles concentrations, des féodalités et finalement un nouveau cycle de concentration.

Norbert Elias examine en particulier la dynamique historique qui a fait naître la féodalité française à partir du XIe siècle et la compétition guerrière entre nobles instaurant le pouvoir des grands féodaux qui se partageaient la puissance et les ressources jusqu’à ce que l’un d’eux, le roi de France, par la force et par l’habileté, prenne l’ascendant et fonde l’Etat national.

« La société de cour »

C’est Louis XIV qui acheva cette concentration, Roi-Soleil autour duquel tous les « grands » devaient désormais graviter dans ce qu’Elias appelle « la société de cour ». En 1682, son centre physique fut établi au château de Versailles, destiné à mettre en scène la puissance organisée autour d’un roi qui pouvait dire : « L’Etat, c’est moi », et aux grands seigneurs : « Vos sujets sont mes sujets. »

Lorsque, trois siècles plus tard, le 22 janvier 2018, Emmanuel Macron ­invite à Versailles cent quarante patrons du monde entier pour un déjeuner avec son gouvernement, le rapport de force s’est inversé. Ces nouveaux « grands » dirigent les entreprises les plus puissantes du monde. La loi de désagrégation a joué de nouveau, quand la sphère du pouvoir économique, du fait de l’accumulation des moyens de production, a dépassé les frontières nationales pour s’imposer sur tous les ­continents. Dès lors, à l’échelle planétaire, des millions d’entreprises sont devenues des centres de pouvoir ­locaux en concurrence pour accumuler des ressources. La mondialisation consacre entre autres choses l’affaiblissement des pouvoirs étatiques centraux au profit de micropouvoirs économiques dispersés.

Mais ceux-ci ont été à leur tour soumis à la loi de concentration. Par l’élimination concurrentielle, le rachat ou la mise en sous-traitance des plus petites entreprises, de grandes sociétés transnationales se sont taillé des fiefs économiques à l’échelle mondiale. Ainsi en est-il de Google et de Mittal, de SAP et d’Alibaba, autant d’entreprises dont les patrons furent conviés à Versailles. Ils étaient sur le chemin de Davos, où se tiennent les négociations privées sur l’avenir de nos sociétés.

Le patronage de La Bruyère

Avant de s’y rendre lui-même, le chef de l’Etat a offert une halte hospitalière à ces puissants, dont le pouvoir personnel et les revenus dépassent de loin ceux des féodaux de jadis. Il leur a vanté, en anglais, les avantages de travailler en France, les réformes fiscales avantageuses et les nouvelles lois destinées à rendre notre marché de l’emploi plus compatible avec les règles de la compétition et de l’accumulation mondiale. Il leur a suggéré l’intérêt de considérer que des Français pourraient devenir leurs salariés.

Versailles a été le théâtre d’une ­représentation où, loin d’être le centre du monde, on vit la France tenter de séduire par tous les moyens les décideurs qui comptent vraiment. Tâche ingrate, car si on se réjouit à l’issue de la fête d’annoncer que les convives ­investiraient 3,5 milliards d’euros et créeraient 2 200 emplois dans les cinq ans, on apprit le même jour que Car­refour investirait 2,8 milliards d’euros dans le numérique et supprimera 2 400 postes d’ici à 2022.

Les lustres de Versailles éteints, reste l’actualité de ce mot de La Bruyère (1645-1696), sarcastique chroniqueur des mœurs de la cour du Roi-Soleil : « Les grands sont entourés, salués, respectés. Les petits entourent, saluent, se prosternent ; et tous sont contents. »

56% des actionnaires sont français, en ce qui concerne les 85 plus grandes entreprises cotées françaises en 2015

Les grandes entreprises sont-elles (encore) françaises ? C’est la question que pose le dernier Preuves à l’Appui de l’IFGE (à paraître).

L’étude montre que pour les 85 plus grandes entreprises cotées françaises en 2015, 56% des actionnaires (détenant au moins 1% du capital) sont français.

De plus, 32% de leurs emplois sont localisés en France et 26% de leur chiffre d’affaires est réalisé sur le territoire national.

Les deux faces de la réforme Macron

Dans sa chronique « Entreprises », l’économiste Pierre-Yves Gomez souligne une disposition de cette réforme annoncée du code du travail décisive pour l’avenir du dialogue social : réunir en un comité unifié les trois instances représentatives des salariés.

Article initialement paru dans Le Monde Eco et Entreprise du 16 juin 2017

La réforme annoncée du code du travail devrait amplifier les lois Macron et Rebsamen de 2015, ainsi que la loi El Khomri de 2016. Celles-ci visaient déjà à faire de l’entreprise le lieu central du dialogue social. Allant au bout de ce projet, la réforme de 2017 étendrait la priorité de l’entreprise sur la branche professionnelle pour tous les accords concernant le travail : durée, niveau des salaires, heures supplémentaires…

La situation de chaque entreprise deviendra déterminante et la gestion des conditions de travail devra s’adapter à ces contraintes. Le progrès social sera subordonné au cas par cas à la performance économique. Cette disposition de la réforme cristallise d’autant plus les tensions que la négociation est plus aisément contrôlable par les dirigeants au niveau de leur entreprise qu’au niveau d’une branche.

Pourtant, une autre disposition, bien que d’apparence secondaire, est décisive sur l’avenir du dialogue social. Généralisant une possibilité ou­verte par la loi Rebsamen, elle prévoit de réunir en un comité unifié les trois instances représentatives des salariés : le comité d’entreprise (CE), le ­comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le délégué du personnel (DP).

Une modification profonde de la gouvernance des entreprises

Aujourd’hui, les compétences de ces trois instances sur la gestion et l’organisation du travail se recoupent. Les réunir en un comité unique limiterait le nombre de réunions inutiles, si bien que cette disposition est présentée comme une simplification du code du travail.

A tort, car elle pourrait en réalité modifier profondément la gouvernance des entreprises. Le nouveau conseil représentera les intérêts des salariés en concentrant toutes les missions des précédents comités, depuis l’attention aux conditions de travail, à son organisation et à sa gestion jusqu’à la défense des réclamations individuelles ou collectives des salariés. Il devra donc préparer et signer les accords sur le travail au niveau de l’entreprise. Il deviendra ainsi l’instance qui négociera l’allocation des ressources sociales de l’entreprise en fonction de ses résultats économiques, un rôle stratégique qui n’est pas inférieur à celui du conseil d’administration. L’enjeu est de savoir de quels pouvoirs réels il sera doté par la réforme.

Aujourd’hui, le chef d’entreprise (ou son représentant) préside le CE et le CHSCT. Dans la nouvelle configuration, l’autonomie de ce comité est nécessaire pour instruire et approuver les accords d’entreprise. La présidence devra logiquement être assurée par un des membres élus des salariés, sur le modèle du Betriebsrat (« conseil d’entreprise ») allemand. Cela permettrait de clarifier sa fonction d’instance concourant pleinement à la ­régulation de l’entreprise.

Régression ou codétermination ?

Composé d’élus du personnel, ce conseil pourrait être autorisé à s’ou­vrir, comme le fait le conseil d’administration, à des personnalités extérieures à l’entreprise. Il accroîtrait ainsi ses compétences, notamment dans la perspective d’alimenter la ­réflexion sur le travail.

La fusion des instances représenta­tives n’est donc pas un toilettage mineur du code du travail

Depuis les lois Auroux de 1982, deux membres du CE actuel siègent au conseil d’administration sans droit de participer aux votes. La réforme pourrait leur accorder le statut d’administrateurs à part entière, afin d’assurer la cohérence entre les deux instances de gouvernance. Là encore, on se rapprocherait du modèle allemand de codétermination, ce que préconisait dès 2012 le rapport Gallois sur la compétitivité française.

La fusion des instances représenta­tives n’est donc pas un toilettage mineur du code du travail. La manière de considérer le nouveau comité chargé des principales questions sur la gestion du travail dessinera le futur dialogue social. Peu autonome, mal formé et peu respecté, il ne fera pas le poids dans les négociations, et la réforme risque de provoquer la plus grande régression sociale depuis 1945. Si, au contraire, le comité unique est établi comme une véritable instance de gouvernance, la réforme tiendra ses promesses en inaugurant dans les entreprises ce dialogue institutionnalisé qui a si bien réussi aux Allemands.

Une multinationale au service de son territoire

Dans sa chronique « Entreprises », l’économiste Pierre-Yves Gomez pointe le succès de Limagrain, passée de coopérative à grand groupe international, dont le fonctionnement pourrait inspirer autant l’action politique que les grandes entreprises.
Article initialement paru dans Le Monde Eco et Entreprise du 11 mai 2017

 

La mondialisation, et ses effets sur la société, s’est finalement imposée comme le grand thè­me de la campagne électorale présidentielle. Dans un monde où la concentration du capital financier est telle que la capitalisation des quatre géants américains du numérique (Google, Amazon, Facebook, Apple) pèse 2 700 milliards d’euros, soit davantage que le produit intérieur brut français, les décisions concernant la vie quotidienne des citoyens paraissent se prendre en dehors des lieux dans lesquels ils vivent.

Les grandes entreprises globalisées cherchent à optimiser leur production sans prendre en charge le devenir des territoires sur lesquels elles dé­placent leurs pions. Les politiques publiques sont condamnées à défendre ceux-ci avec des moyens financiers de plus en plus limités. Si ce constat n’est pas dépourvu de réalisme, des exemples montrent aussi que le développement de grandes sociétés mondialisées peut servir les territoires, et qu’il a même parfois pour projet d’en assurer la défense. C’est le cas emblématique de Limagrain.

La coopérative Limagrain a été fondée au début des années 1960 par des agriculteurs de la plaine de la Limagne, au centre de l’Auvergne. Leur projet était de mettre en commun des moyens pour faciliter l’écoulement des produits céréaliers de ce petit territoire de 45 000 hectares. Dans cet esprit, la coopérative lance en 1965 un laboratoire de recherche pour produire un maïs adapté au climat européen. La création de la variété LG11 lui assure le leadership des semences de maïs en Europe.

« Un homme, une voix »

En 1975, elle rachète la société familiale Vilmorin, alors en difficulté, pour étendre son activité à d’autres types de semences. La filiale s’internationalise, elle est introduite en Bourse en 1990, Limagrain conservant 75 % de son capital. Elle se développe dans 55 pays et devient le 4e producteur de semences au monde. Elle consacre 15 % de son chiffre d’affaires à la recherche et elle gère, au cœur de la Limagne, le plus grand laboratoire européen de recherche dans ce secteur. Parallèlement, ­Limagrain a remonté la filière agro­alimentaire pour assurer des débouchés à ses coopérateurs – allant jusqu’à racheter le boulanger Jacquet en 1995, puis le pâtissier Brossard en 2010.

L’empire pèse désormais plus de 2,5 milliards d’euros et emploie 10 000 collaborateurs dans le monde. Comme toute coopérative agricole, la maison mère Limagrain réalise 80 % de son activité avec ses 2 000 coo­pérateurs qui détiennent le capital et participent aux décisions selon le principe « un homme, une voix », c’est-à-dire indépendamment de la taille de leur exploitation. Leurs parts sociales gardent la même valeur de l’achat à la session.

Une gouvernance adaptée

Le groupe est gouverné par les membres de la coopérative auvergnate, qui élisent un conseil d’administration de 18 membres pour un mandat annuel. Sept d’entre eux forment le bureau, instance de surveillance permanente de l’exécutif. Les administrateurs de Limagrain participent à toutes les instances de gouvernance de Vilmorin et de ses filiales françaises ou étrangères, formant un binôme avec chaque dirigeant, de manière que la coopérative soit partout représentée.

La réussite économique de Limagrain illustre le fait que la croissance internationale d’une entreprise n’est pas incompatible avec le projet de ­développement d’un territoire, sous réserve que son système de gouvernance maintienne la fidélité à l’en­racinement local. L’ancrage de la ­coopérative assure même à cette gouvernance une vertu qui pourrait expliquer son succès : chaque administrateur demeure un paysan, qui travaille pour produire dans sa propre exploitation.

La connaissance intime du travail réel de l’agriculteur (qui est aussi celui des clients du groupe) lui donne une lucidité et une compétence précieuses quand il a à évaluer les opportunités et à décider les options stratégiques dans les conseils d’administration. Le modèle pourrait donc inspirer l’action politique, mais aussi la gouvernance des grandes entreprises déracinées, qui se dessèchent dans l’abstraction financière.

Pierre-Yves Gomez

Le devoir de vigilance, un avantage stratégique

Dans sa chronique Le Monde Eco et Entreprise du 06 avril 2017, Pierre-Yves Gomez explique que, pour que la guerre économique se joue à armes égales, l’extraterritorialité des lois imposant le respect de droits humains, sociaux et environnementaux doit être aussi établie dans le droit européen ou français.

Rapport 2016 sur les entreprises faisant référence au code de gouvernance MiddleNext

Publié en décembre 2009, le code de gouvernance MiddleNext a pour vocation de proposer aux entreprises cotées des recommandations fondées sur une gouvernance « raisonnable », compatibles avec leur taille, leur structure de capital et leur histoire. En 2016, une version révisée du code a été publiée, tenant compte de l’expérience que les entreprises ont acquise quant à son usage.

Dans le cadre de son Institut de recherche, MiddleNext a confié à l’Institut Français de Gouvernement des Entreprises (IFGE/EMLYON) l’analyse des entreprises qui se sont référées à son code de gouvernance pour l’exercice 2015. Ce rapport permet d’appréhender les caractéristiques, les systèmes de gouvernance et les problématiques que le code peut permettre de résoudre.

Les deux premières parties du rapport décrivent les entreprises ayant adopté le code MiddleNext et leurs systèmes de gouvernance en moyenne sur les années 2009-2015.

La troisième partie donne des détails sur l’utilisation des recommandations du code MIDDLENEXT dont les entreprises qui font référence à ce code rendent compte dans leurs rapports annuels 2015. Il s’agit d’une photographie pour l’année 2015.
Pour télécharger : Rapport entreprises code MiddleNext IFGE 2016

Intervention de Pierre-Yves Gomez au colloque « Changer de méthode, un impératif ! »

Pierre-Yves Gomez a été invité à participer à la réflexion du colloque « Changer de méthode, un impératif ! », proposé par le CESE (Conseil économique, social et environnemental) et le MEDEF et réunissant entrepreneurs, syndicalistes, responsables associatifs.

Pierre-Yves Gomez propose de prendre le sens du travail au sérieux car « ce n’est pas du blabla. Redonner du sens au travail, c’est en fait répondre à trois questions : à quoi sert ce que je fais dans l’entreprise, à quoi sert l’entreprise elle-même, et en quoi elle construit une société ? ».

L’évènement a réuni des personnalités telles que Patrick Bernasconi, président du CESE, Pierre Gattaz, président du MEDEF, Frère Samuel Rouvillois, prêtre et philosophe, Delphine Lalu, présidente de la section des activités économiques du CESE,Antoine Lemarchand, président de Nature et Découvertes, vice-président d’Entreprise et Progrès, Jean-François Naton, vice-président du CESE, membre du groupe de la CGT, Thierry Philipponnat, directeur de l’Institut Friedland, président du Forum Investissement Responsable (FIR), Pascal Canfin, directeur général de WWF France, ancien député européen, Hélène Fauvel, présidente de la section de l’Economie et des Finances du CESE, membre du groupe CGT-FO, etc.

Pour lire l’article dans L’Express.

Le bonheur, un travail de chaque instant

Dans sa chronique pour Le Monde Economie, Pierre-Yves Gomez analyse la rhétorique du bonheur en entreprise. Le management se saisit d’outils et de titres pour favoriser le bonheur des individus, porté par le « responsable du bonheur » (en anglais : « chief happiness officer »).

Au-delà du soupçon d’hypocrisie et de l’ironie provoqués, en quoi ce mouvement est-il révélateur d’une volonté de l’entreprise de s’étendre à la sphère privée, depuis toujours celle des alternatifs et des politiques ?

Pour lire l’article.

N. Aubert et X. Hollandts présentent leurs recherches au congrès international de gouvernance

Nicolas Aubert et Xavier Hollandts ont présenté leurs recherches au congrès international de gouvernance qui se tenait à l’IAE de Montpellier les 17 et 18 mai.

Les papiers présentés étaient les suivants :

« La « face sombre » de l’actionnariat salarié : Etude empirique sur l’indice SBF 120 (2000-2014). »  Siessima Djibril Toe, Xavier Hollandts, Bertrand Valiorgue.

« La participation des salariés : analyse historique et textuelle ». Nicolas Aubert, Solange Hernandez, Xavier Hollandts.

« House of cards & la gouvernance des entreprises françaises cotées ». Daniela Borodak, Xavier Hollandts, Ariane Tichit.

Actionnariat salarié, gouvernance et performance de la firme : une étude de cas économétrique

Nicolas Aubert et Xavier Hollandts, chercheurs associés à l’IFGE, publient dans Revue d’Economie Industrielle, avec Virgile Chassagnon, un article sur l’actionnariat salarié.

Aubert N., Chassagnon V., Hollandts X. (2016), Actionnariat salarié, gouvernance et performance de la firme : une étude de cas économétrique portant sur un groupe français coté, Revue d’Economie Industrielle, forthcoming.

Résumé: Dans nos économies de marché fondées sur la connaissance, le capital humain et les employés qui le recèlent sont au cœur de la création des avantages compétitifs des firmes. Fort ce constat, d’aucuns évoquent de plus en plus le rôle bénéfique que peuvent jouer les salariés dans la gouvernance de l’entreprise moderne à travers leur participation potentielle au capital de l’entreprise. Pour autant, la relation entre l’actionnariat salarié et la performance n’est pas clairement établie par la littérature académique. Cette contribution se situe dans ce débat ambiant en testant l’impact de l’actionnariat salarié sur la performance économique des entreprises. Pour ce faire, notre attention portera tout particulièrement sur l’actionnariat salarié comme instrument institutionnel de gouvernance d’entreprise. Nous étudions plus précisément la relation entre l’actionnariat salarié et la performance économique sur 900 filiales d’un groupe coté français (appartenant au CAC40) sur une période de cinq ans. Notre étude montre que l’actionnariat salarié influe positivement sur la performance économique des entreprises.

Mots-clés : Actionnariat salarié, gouvernance de l’entreprise, participation des employés, performance économique, pouvoir de jure, propriété.

Un éléphant n’est pas une souris qui a grossi

Ce mois, dans sa chronique pour Le Monde, Pierre-Yves Gomez évoque l’indistinction entre les différents types d’entreprises.

Les entreprises ne sont pas une espèce unique. « Si nous savons distinguer substantiellement un éléphant d’une souris, si nous considérons qu’un éléphant n’est pas une souris qui aurait grossi, rien ne nous permet de telles distinctions entre les entreprises. » Un vocabulaire inadapté interdit une compréhension de la complexité de notre économie.

Pour lire l’article.

 

Interview TV de Pierre-Yves Gomez « Michel Foucault et le management »

Vous pouvez visualiser ici l’interview de Pierre-Yves Gomez menée par Jean-Philippe Denis sur Xerfi Canal: « Michel Foucault et le management.

Pierre-Yves Gomez explique certains concepts phares de la pensée de Michel Foucault: l’enfermement, l’epistemè, l’archéologie du savoir, le panoptisme, la biopolitique ou la gouvernementalité. Comment l’homme peut-il se construire librement malgré toutes les pressions des structures de la société moderne ? Son œuvre, traversée par les questions de l’obéissance et de la création de la subjectivité de l’individu, a profondément influencé notre société et la pensée postmoderne.

Le travail déborde de plus en plus le cadre de l’emploi

Interview de Pierre-Yves Gomez par Pauline Rabilloux dans Entreprise et Carrières.

Avec les nouvelles pratiques liées aux outils numériques, la relation entre emploi et travail pose de nouvelles questions humaines et sociétales. D’une part, l’emploi non salarié se développe. Par exemple, « l’ubérisation » du travail prive les salariés de protection sociale et les précarise. Ou quel est le statut du travailleur virtuel des forums internet qui travaille de manière gratuite et intermittente ? D’autre part, dans l’emploi salarié la frontière entre temps de travail et hors travail devient de plus en plus floue : emails depuis la maison et tâches personnelles au travail.

C’est un nouveau mode de production qui s’installe. « Les questions d’emploi demandent à être repensées dans le cadre plus général d’une économie capitaliste qui se transforme à vitesse accélérée, favorisant d’un côté l’accumulation de capital vers les grandes entreprises du numérique, de l’autre sa dispersion vers l’ensemble des consommateurs-producteurs. »

Pour lire l’interview.

Rapport 2015 sur les entreprises faisant référence au code de gouvernance MiddleNext

Publié en décembre 2009, le code de gouvernance MiddleNext a pour vocation de proposer aux entreprises cotées des recommandations fondées sur une gouvernance « raisonnable », compatibles avec leur taille, leur structure de capital et leur histoire.

Dans le cadre de son Institut de recherche, MiddleNext a confié à l’Institut Français de Gouvernement des Entreprises (IFGE/EMLYON) l’analyse des entreprises qui se sont référées à son code de gouvernance pour l’exercice 2014. Pour la sixième année consécutive, le nombre d’entreprises se référant au code augmente pour atteindre 192 entreprises. Ce rapport permet d’appréhender les caractéristiques, les systèmes de gouvernance et les problématiques que le code peut permettre de résoudre.

Les deux premières parties du rapport décrivent les entreprises ayant adopté le code MiddleNext et leurs systèmes de gouvernance.

La troisième partie donne des détails sur la mise en œuvre concrète des recommandations du code MiddleNext.

« Nous sommes heureux de constater que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’approprier le code MiddleNext » souligne Caroline Weber, Directrice générale de MiddleNext, « les explications éventuelles sont également de plus en plus claires et pertinentes. Le code sera mis à jour fin juin 2016 ».
Pour télécharger : Rapport entreprises code MiddleNext IFGE 2015

L’IFGE participe à une journée d’étude de l’OIT sur « Le travail et l’entreprise à l’épreuve de la financiarisation »

Pierre-Yves Gomez a participé à un panel de discutants lors d’une journée organisée par le Bureau de l’Organisation Internationale du travail pour la France « Le travail et l’entreprise à l’épreuve de la financiarisation de l’économie », le 6 avril 2016, au Collège des Bernardins, 20 Rue de Poissy , Paris 5ème.

Les discutants sont :

Ekkehard Ernst, Bureau International du Travail, Département de la Recherche

Bertrand du Marais, Conseil d’Etat

Antoine Frérot, PDG de Veolia Environnement

Bernard Thibault, Membre du Conseil d’administration du BIT

Laurent Berger, Secrétaire général de la CFDT

Claude Jeannerot, délégué du Gouvernement français au Conseil d’administration du BIT. Yves Struillou, Directeur général du Travail, Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

Pour télécharger le programme : Le travail en entreprise OIT

L’actionnariat en risque d’hypertension

Dans sa chronique pour Le Monde, Pierre-Yves Gomez analyse les enjeux de gouvernance face à l’actionnariat ultracourt-termiste.

La durée de détention moyenne des actions cotées est de plus en plus courte. Avec le trading haute fréquence la durée est de 22 secondes en moyenne. Se posent en de nouveaux termes les questions de la légitimité des actionnaires et de la santé de ces entreprises mises sous tension. Des interventions radicales sur la gouvernance actionnariale deviennent nécessaires. Pour connaitre trois pistes concrètes… Lire l’article.

Quand l’entreprise fait société

Pour télécharger la chronique de Pierre-Yves Gomez dans Le Monde Economie : PY Gomez Quand l’entreprise fait société

Mark Zuckerberg, le PDG actionnaire de Facebook, a promis 42 milliards d’euros à sa fondation. L’implication du privé dans la politique publique s’accroît dans tous les domaines : écologie, éducation, santé, droits de l’homme, etc. Les firmes françaises de plus de 500 salariés doivent publier un rapport annuel sur leurs initiatives de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). Les normes internationales comme ISO 26 000 les invitent également à une démarche RSE.

Cette exigence de responsabilité n’a pas limité la puissance des entreprises, elle l’a au contraire augmentée, car on leur demande d’agir dans des domaines toujours plus vastes.

De la naissance à la tombe, les investisseurs nous accompagnent…

Pour télécharger la chronique de Pierre-Yves Gomez dans Le Monde Economie : PY Gomez 01-2016 LE MONDE_ECO_ENTREPRISE

En France, 30.000 accouchements par an sont réalisés par un groupe hospitalier australien et 114.000 obsèques sont organisées par le leader français des services funéraires… possédé par un conglomérat russe. La logique financière d’accumulation de capital s’invite dans le travail et la consommation des services les plus essentiels de la vie.

L’entreprise sociale et responsable est née… en 1841

Dans sa chronique pour Le Monde, Pierre-Yves Gomez revient sur le modèle social et de gouvernance de l’entreprise qu’incarna Léon Harmel, mort il y a précisément cent ans. Précurseur, l’entrepreneur avait mis en place un conseil d’usine à majorité ouvrière, des syndicats ouvriers, des caisses de solidarité sociale. Il mena également une réflexion sur le rôle de l’entreprise et de l’État. Léon Harmel et son entreprise eurent finalement une influence importante sur les formes de capitalisme humaniste et sur les débats actuels de l’entreprise sociale et responsable.

Pour lire la chronique : PierreYvesGomez_Entreprise Sociale_L. Harmel LE_MONDE_ECO

Pierre-Yves Gomez nommé au Comité de réflexion sur le droit des sociétés cotées par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris

Pierre-Yves Gomez a été nommé au Comité de réflexion sur le droit des sociétés cotées par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, pour sa connaissance plus spécifique des PME et des ETI et au titre de rédacteur du rapport pour une gouvernance raisonnable des entreprises.

Le Haut comité juridique de la Place financière de Paris a été créé conjointement par l’AMF, la Banque de France et l’ACPR, auquel participent le Trésor et la Chancellerie, pour compléter le dispositif de réflexion de la Place, influencer les discussions internationales et anticiper les évolutions futures.

Pour lire sur la philosophie de ce comité.

 

L’actionnariat salarié, un acte « patriotique » risqué

Pierre-Yves Gomez répond aux questions de Cécile Maillard dans L’usine nouvelle à propos des risques pris par les salariés qui entrent au capital de leur entreprise. Le capital subit les fluctuations et les risques du marché. Les actionnaires salariés peuvent défendre leur entreprise, mais aussi se retourner contre elle en cas de problème ou d’opportunité financière.

Lire l’entretien ici.

Interview TV de Pierre-Yves Gomez « S’inspirer de René Girard pour penser l’entreprise et le management »

Vous pouvez visualiser ici l’interview de Pierre-Yves Gomez menée par Jean-Philippe Denis sur Xerfi Canal: « S’inspirer de René Girard pour penser l’entreprise et le management ».

Pierre-Yves Gomez revient sur la portée considérable de la pensée de René Girard quelques semaines après sa disparition. Il restitue les fondements de sa théorie du désir mimétique en tant que fondement des communautés humaines. Le mimétisme pour s’appropier les même objets de désir est source de rivalité et débouche sur la violence. En la concentrant sur un bouc émissaire, qui est sacrifié symboliquement ou physiquement, la communauté polarise et expulse cette violence. Ce moment devient un rite de « paix collective » et une source de croyances collectives. La théorie mimétique a été beaucoup appliquée dans les sciences humaines (économie, psychologie, management, philosophie, théologie, etc.) car elle est particulièrement éclairante sur les fondements parfois insoupçonnés des communautés humaines, en particulier des communautés de travail et donc les entreprises. Très influencé par les travaux de René Girard, dont il se considère le disciple, Pierre-Yves Gomez a lui-même développé une théorie de la « rationalité mimétique » appelée « théorie des conventions (pour voir l’interview TV sur la théorie des conventions).

 

 

 

 

 

L’IFGE contribue à la formation des administrateurs salariés de Renault

L’EMLYON Business School a organisé la formation des quatre administrateurs salariés de Renault SA le 18 novembre au siège de la société. L’IFGE a largement contribué à ces deux jours consacrés aux responsabilités et aux postures des administrateurs. Pierre-Yves Gomez a présenté les exigences de la gouvernance et le rôle particulier des administrateurs salariés. Jean-Philippe Marandet et Olivier Arnould ont animé une journée sur la prise de parole et les espaces de légitimité des administrateurs salariés.

Air France, Volkswagen, des échecs de la codétermination ?

Dans sa chronique pour Le Monde Economie, Pierre-Yves Gomez analyse le cas de deux entreprises qui ont récemment alimenté de manière négative l’actualité des affaires : Air France et Volkswagen. Au sein du conseil d’administration de ces deux entreprises, les salariés sont largement représentés. Pourquoi le modèle de codétermination n’a-t-il pas garanti dans ces deux cas la stabilité qui le caractérise habituellement ?

Pour lire l’article : PY Gomez_LE_MONDE_Codétermination VW AF

Le scandale Volkswagen ébranle-t-il l’éthique industrielle allemande ?

Le scandale Volkswagen interroge la gouvernance. Pierre-Yves Gomez et Guillaume Duval, rédacteur en chef à l’hebdomadaire Alternatives économiques, donnent leur point de vue. Pour Pierre-Yves Gomez, l’état d’esprit des dirigeants de devenir premier constructeur automobile mondial à tout prix explique qu’ils aient permis toutes les manières d’y arriver. Quitte à briser la légendaire éthique industrielle allemande.
A lire ici.

Intervention sur France Inter de Pierre-Yves Gomez sur la gouvernance de Volkswagen

Pierre-Yves Gomez s’exprime sur France Inter à propos du scandale des logiciels truqués de Volkswagen.

L’entreprise représentait un exemple classique de la bonne gouvernance : séparation stricte des pouvoirs, parité de la représentation entre capital et travail au conseil, contrôle du pouvoir public qui détient 20 % du capital… En réalité, la triche prendrait sa source dans la soif de pouvoir, devenir No1 mondial à tout prix, quitte à considérer la qualité ou l’éthique comme secondaires.

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