De la crise à l’ambivalence des solutions en matière de rémunération des dirigeants

Principale manifestation des ambivalences du « capitalisme financier », le phénomène d’inflation de la rémunération des dirigeants auquel nous assistons depuis plusieurs années nourrit dans l’espace civil un sentiment d’injustice qui croît à mesure que les « scandales » se multiplient. Dans ce contexte, la transparence sur l’ensemble des éléments de la rémunération est souvent présentée comme la principale solution qui permettrait de mettre fin aux « abus ». En témoignent les récentes recommandations du MEDEF et de l’AFEP qui ont réitéré leur volonté d’assurer, sur ce point, une plus grande lisibilité des règles qui président à la détermination de la rémunération des dirigeants dans l’optique de répondre aux demandes de justification qui émanent d’une très grande diversité de parties-prenantes. De ce point de vue, le consensus est indéniable.

Avec le recul, pourtant, un tel consensus tranche avec les prises de position passées des instances patronales qui se sont longtemps battus, au côté des patrons, pour dénoncer cette volonté de rendre publique la rémunération des dirigeants. La transparence, en somme, ne s’est pas imposée sans heurt, quoique son apparente naturalité à l’heure actuelle puisse laisser accroire du contraire. Cet article est né de la volonté de comprendre ce « changement de cap » et d’interroger le paradoxe qui veut, par ailleurs, que l’inflation de la rémunération des dirigeants n’ait jamais été aussi spectaculaire que depuis qu’une information plus ou moins exhaustive est disponible sur le sujet. L’hypothèse que nous développons est que l’adhésion progressive du « monde patronal » à la transparence a été facilitée par le fait que cette dernière constitue, pour les parties intéressées, une aubaine leur permettant de justifier l’élévation de leurs rémunérations.

L’article est construit de la manière suivante : dans un premier point, nous montrons que le contexte actuel est celui d’une crise de justification de la rémunération des dirigeants auquel la transparence était censée mettre fin mais qu’elle contribue, paradoxalement, à exacerber (1). Dans un deuxième point, nous nous intéressons au passage de la controverse au compromis en matière de transparence en prenant pour repère le discours des acteurs et de manière à rappeler qu’initialement, la transparence n’a rien de « naturel » pour les dirigeants (2). Dans un dernier point, nous proposons une interprétation de la « conversion » du monde patronal au principe de transparence en nous fondant sur l’intérêt que ce dernier pouvait y trouver (3).

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