L’acteur et l’impresario

Depuis la fin des années 1970, de nombreux commentateurs constatent une modification profonde du rapport de l’individu à l’entreprise. Cette modification amène les individus a se considérer désormais comme les acteurs de leur vie professionnelle. Au-delà de l’individu et de sa stratégie de carrière, c’est tout un dispositif institutionnel qui émerge afin de faciliter les transitions d’un emploi à un autre.

Le modèle fordiste très prégnant en France durant la période des trente glorieuses se structure notamment autour du contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Au-delà des aspects juridiques, cette forme d’emploi est à l’origine d’un rapport particulier entre l’individu et l’entreprise. Sans idéaliser et mythifier le modèle fordiste, il est certain qu’il garantit une certaine stabilité et sécurité pour la majorité des salariés. Il permet également à des salariés parfois peu qualifiés de réaliser une carrière en interne. Cette forme d’emploi qui a l’heure actuelle reste dominante est néanmoins profondément remise en cause. C’est ainsi que toute la relation de l’individu à l’entreprise est a (re)construire. Ce processus de (re)construction fait désormais jouer un rôle clé aux individus. A contrario du modèle fordiste, dans le modèle neolibéral contemporain, les individus sont « acteurs de leurs vies professionnelles ». Si l’entreprise est jugée responsable des moyens d’entretenir l’employabilité, c’est l’individu qui est désormais responsable de sa propre orientation et de l’utilisation des moyens mis à dispositions dans et par l’entreprise.

Pourtant, si mobiliser les responsabilités individuelles fait l’objet d’un consensus général, être acteur ne va pas de soi. En effet, il y a incontestablement des individus qui sont prêts à se comporter comme des acteurs de leur vie professionnelle mais être acteur ne leur apporte pas grand-chose en cas de recherche d’emploi, tant le marché reste rigide. Parallèlement, si l’entreprise a réellement besoin d’acteurs, penser l’acteur, ses responsabilités, ses moyens… ne suffit pas pour le faire vivre. De même que l’employabilité dépend à la fois des individus et de la qualité de l’emploi, l’acteur dépend de ses propres capacités mais aussi des facultés de son environnement à les utiliser. Penser l’acteur, c’est forcément intégrer les conditions du rapport de force entre l’individu et son environnement. Penser l’acteur nécessite de la saisir dans sa trajectoire professionnelle et personnelle : trajectoire en tant que succession d’étapes mais aussi en tant que relation à l’entreprise, au travail, au marché de l’emploi.

La logique acteur amène ainsi à institutionnaliser des pratiques et des règles de gestion qui mettent réellement l’individu au centre. Deux modalités d’action sont repérables :

Agir comme un employeur : il s’agit ici d’assurer la qualité du travail (contenus, interactions avec les personnes, développement de l’autonomie) et le respect des engagements contractuels,
Favoriser le développement d’impresarios : la clé de la stabilisation, pour les acteurs de leur vie professionnelle, réside alors dans l’accès au service d’un professionnel ou la prestation d’un intermédiaire (un impresario) capable de fournir un appui à leurs « transactions » formelles ou implicites.

Ainsi, la fin de la « société salariale » amène à reconsidérer la position des individus par rapport au travail et à l’emploi. Au-delà du développement de l’employabilité et du capital humain, il s’agit désormais de gérer les périodes de transition entre deux emplois. Cette modification pousse les entreprises à développer de nouveaux processus organisationnel susceptibles de faciliter cette transition. Les entreprises qui sauront miser réellement sur l’acteur, s’attacheront d’une part à nourrir sa posture en prenant garde à la qualité du travail et de l’emploi (contenu et formes juridiques) et d’autres part à le doter d’outils de développement personnel et professionnel. C’est à ces conditions qu’elles disposeront des compétences dont elles ont besoin en quantité et en variété et qu’elles atteindront les standards requis en matière de participation et de performance collective

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