Equilibrer les rapports de force dans l’entreprise

©Kyodo/MAXPPP - 14/02/2019 ; Combined photo taken in Tsukuba, northeast of Tokyo, on Feb. 13, 2019, shows the logos of Nissan Motor Co. (R) and Renault SA. (Kyodo) ==Kyodo (MaxPPP TagID: maxnewsworldfour741343.jpg) [Photo via MaxPPP]

De solides contre-pouvoirs sont un rempart contre les dysfonctionnements de gouvernance (source)

 

L’affaire Carlos Ghosn a mis au jour des dysfonctionnements dans la gouvernance de Renault-Nissan. Comment éviter de telles situations?

Pierre-Yves Gomez: Il n’y a pas de réponse unique, mais on peut veiller au respect de certains critères. Une bonne gouvernance est le résultat d’un rapport de force équilibré entre les actionnaires, les dirigeants et le conseil d’administration. Leurs pouvoirs doivent donc être définis de manière la plus claire possible: qui fait quoi, quels sont les responsabilités et les contre-pouvoirs? Un actionnaire fort et un conseil d’administration impliqué exerceront un contre-pouvoir solide, rempart contre les dysfonctionnements de l’exécutif. Il faut veiller en sens inverse à ce que le conseil d’administration n’empiète pas sur le travail de l’exécutif. C’est un art de l’équilibre.

Les grandes entreprises sont-elles les plus exposées aux dérives?

P.-Y. G.: Ce n’est pas une question de taille. Dans les grandes entreprises dont le capital est très dilué, l’assemblée générale annuelle se contente d’entériner les décisions du dirigeant. Celui-ci prend un poids démesuré dès lors qu’il fait aux actionnaires des promesses de dividendes élevés. Ceux-ci soulèvent alors peu de questions de fond et se satisfont du cours de l’action.

Le cas d’une grande entreprise familiale est différent si la famille exerce pleinement sa responsabilité d’actionnaire – au nom de la continuité de l’entreprise qu’elle prétend incarner. Il peut en résulter un réel contre-pouvoir au dirigeant. Pensez à L’Oréal. C’est un groupe géant sur lequel la famille Bettencourt a longtemps exercé un suivi régulier et précis.

La situation est-elle différente dans les entreprises dont l’État est actionnaire?

P.-Y. G.: À l’époque où l’État menait une véritable politique industrielle, la détention de capital dans les entreprises publiques servait sa stratégie et le dirigeant s’y soumettait. Depuis plusieurs décennies, l’État s’est désinvesti de la question industrielle et il s’aligne le plus souvent sur la stratégie définie par le dirigeant.

Que faudrait-il améliorer?

P.-Y. G.: Des administrateurs indépendants ont été introduits et le nombre d’administrateurs salariés a augmenté. Il s’agit à présent de réformer les assemblées générales. Organiser une AG qui dure trois heures, une seule fois par an, pour que les actionnaires exercent leur pouvoir, c’est une illusion. Certains proposent par exemple de la réunir plusieurs fois dans l’année pour examiner des thématiques spécifiques: stratégie, approbation des comptes, nominations. Cela créerait une culture de la délibération dans les entreprises. Au final, la gouvernance repose sur des personnes. L’art de gouverner doit s’apprendre. Bien sûr, une formation sérieuse ne pourra jamais empêcher la malhonnêteté d’un dirigeant, mais elle pourra sensibiliser aux vertus qu’il nécessite, à savoir le courage, l’humilité et la prudence.

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