Publication de la thèse « Les effets des outils de travail du leader sur sa vulnérabilité : une étude exploratoire multisectorielle inspirée des travaux d’Ivan Illich » de Charles Revue :

Dans les organisations comme dans la littérature académique, le leader est souvent présenté et perçu comme « puissant », parce qu’il dispose de traits personnels singuliers (tels que le charisme), des compétences ou une intelligence supérieure, mais aussi par les capacités octroyées à sa fonction qui lui permettent d’agir et de faire agir ses collaborateurs. Une autre représentation tant pratique qu’académique exprime le leader comme fondamentalement vulnérable. Qu’elle soit liée à un état de santé, à une situation sociale délicate, à l’incertitude sur les décisions à prendre ou autre, cette vulnérabilité peut se résumer à une défaillance de capacités personnelles ou opérationnelles qui l’expose à l’échec. Pourtant, le leader dispose « d’outils de travail » censés l’aider à accomplir sa mission, donc à réduire le risque de défaillance et finalement à le rendre moins vulnérable. Constatant qu’il n’existe quasiment pas de littérature académique sur ce sujet, notre recherche s’est concentrée sur les usages des outils des leaders, les mécanismes d’évolution de ces usages et les ressentis conséquents en termes de vulnérabilité. En développant une approche inspirée des travaux d’Ivan Illich (1926-2002), nous cherchons à établir dans quelle mesure l’usage des outils atténue la vulnérabilité des leaders ou, à l’inverse, peut l’accentuer. Nous avons donc conduit une recherche auprès de 62 leaders de quatre secteurs : l’énergie, la protection sociale, la santé et l’armée. Les résultats mettent en avant que la mission du leader ne se résume pas à embarquer des personnes, elle inclut également des dimensions de gestion et parfois de « gestes de métier » qui le rend crédible comme leader (notamment chez les soignants et les officiers). Les résultats montrent également que les outils de travail génèrent suffisamment de capacités pour réduire le risque opérationnel et même pour avoir des vertus rassurantes, aidant ainsi le leader à accepter ce que nous appelons une certaine « tolérance à sa vulnérabilité ». Mais lorsque le rythme d’usage des outils s’accélère trop ou si cet usage se routinise excessivement, les capacités du leader se trouvent de nouveau insuffisantes et ce dernier doit ajuster l’usage des outils pour renouer avec sa « tolérance à la vulnérabilité ». Sa fonction lui donne une certaine latitude en ce domaine, puisqu’il peut par exemple imposer à ses subordonnés de nouvelles façons de travailler. Notre recherche aboutit à une modélisation heuristique qui met en lumière deux seuils de tolérance à la vulnérabilité : un premier autour duquel les leaders ajustent leurs routines d’usage, un second au-delà duquel il n’y a plus de capacités d’ajustement et les leaders doivent s’imposer une mise à distance des outils pour espérer recouvrer de leurs capacités d’agir. Cette recherche propose une compréhension du leader prenant en compte son travail réel et elle suggère de ce fait une conception réaliste de sa vulnérabilité, c’est-à-dire déterminée par son travail lui-même. Au-delà de la figure du personnage « puissant » qui doit convaincre et embarquer les collaborateurs, le leader apparait d’abord comme un travailleur qui doit accomplir des tâches, avec des capacités et mais aussi des risques de défaillance généré par l’exercice de sa fonction. Cette recherche contribue en particulier à éclairer en quoi la standardisation des outils peut non seulement influer sur ses capacités d’agir mais à terme sur ce qui le définit comme leader.

 

https://theses.fr/s233276

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