Quelles leçons tirer des pratiques de gouvernement d’entreprise au Sénégal ?

La gouvernance d’entreprise, qui est une vieille question depuis Smith, A. (1776) ou Veblen, T. (1904) peut être définie comme un ensemble de mécanismes institutionnels organisant la distribution des pouvoirs dans l’entreprise (Turnbull, 1997; Charreaux, 1996; Gomez, 1997 ) et permettant à cette dernière d’être efficiente en créant durablement davantage de valeur (Aguilera et Jackson, 2003) dans le seul intérêt des actionnaires (Norburn, 1992) ou ceux de toutes les parties prenantes (Demb et Neubauer, 1992 ; Monks et Minow, 2001).

Selon d’autres auteurs, le « système de gouvernance d’entreprise d’un pays recouvre les règles formelles et informelles, les pratiques acceptées et les mécanismes d’application et de sanction, privés comme publics, qui, ensemble, régissent les relations entre, d’un côté, ceux qui contrôlent effectivement les entreprises (les corporate insiders ou dirigeants-actionnaires de contrôle) et, de l’autre, tous ceux susceptibles d’investir des ressources dans les entreprises opérant dans le pays » (Oman et Blume, 2005).

Ces définitions s’inscrivent dans le cadre de la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976 ; Fama, 1980 ; Fama et Jensen, 1983) résumant la gouvernance d’entreprise à un ensemble de mécanismes institutionnels de contrôle et de réduction du pouvoir des managers en vue de créer de la valeur pour les actionnaires (Gomez, 1996; Charreaux, 1997).

Pour l’essentiel, le gouvernance d’entreprise peut être comprise sous deux angles : d’un côté le modèle anglo-saxon appelé aussi modèle outsider (Franks et Mayer, 1995) basé sur une liquidité du marché financier donc du capital, une existence d’un marché de prise de contrôle, une forte dispersion de l’actionnariat et de l’autre, le modèle européen (même si de pays en pays on note des différences) ou modèle insider basé sur l’emprise des banques dans le financement des entreprises et une forte concentration de l’actionnariat (Rajan et Zingales,1995). Dans le cadre anglo-saxon, l’effort est mis sur la fine définition des droits de propriété et la protection des droits des actionnaires minoritaires (La Porta et al., 1998) offrant des conditions meilleures de compétition et de libre échange avec comme conséquence un mauvais système de protection sociale. Tandis que, traditionnellement, dans le système européen de gouvernance d’entreprise,l’on voit la volonté des Etats à assurer une stabilité économique et une sécurité sociale aux 3 populations par le renforcement de la lutte contre le chômage mais aussi l’octroi d’aides sociales financées par de forts taux de prélèvement fiscal. Ce système économique est rigide car étant fondé sur une régulation des marchés de biens et services, de capitaux et du travail marqué par une aversion au risque.

L’engouement contemporain pour la gouvernance d’entreprise lié à la récurrence des scandales financiers au cours de ces deux décennies soulève la question de la définition d’une bonne ou d’une mauvaise gouvernance d’entreprise. A quoi se réfère-t-on pour mesurer la pertinence d’un système de gouvernance d’entreprise ? Quel (s) sens accorde-t-on à l’entreprise? Quels sont les objectifs de l’entreprise ?

L’objectif de cette contribution est de ressortir les écarts, existant entre les discours occidentalo-égocentriques et la réalité, en interrogeant les dirigeants des entreprises sénégalaises pour comprendre leurs référentiels lorsqu’ils parlent de la gouvernance d’entreprise. Dans un premier temps, nous présenterons les aspects théoriques de notre contribution avant de voir dans un second temps les aspects empiriques.

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