En 2024, la moyenne de la température mondiale a pour la première fois depuis l’ère industrielle dépassé un réchauffement de 1,5 °C, se rapprochant du seuil symbolique fixé lors de la COP21. Au lieu d’éveiller les consciences, cette tendance génère une offensive contre la transition énergétique. Donald Trump n’a cessé de dénigrer les renouvelables au profit des énergies fossiles. Le Project 2025, programme officieux du Parti républicain, prévoit un affaiblissement à long terme des administrations environnementales. Dès le premier jour de son second mandat, le président a annoncé la sortie de son pays de l’Accord de Paris.
Cette stratégie d’affaiblissement des organisations luttant contre le changement climatique se propage en Europe. La liste des attaques début 2025 est longue. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne, mentionne la « suppression » de la directive sur le reporting en matière de durabilité des entreprises (CSRD). Le Sénat a voté le démantèlement de l’Agence pour le développement de l’agriculture biologique. Quelques jours plus tôt, plusieurs de ses membres et des députés publiaient une tribune demandant une « pause » dans le développement des renouvelables… faisant écho à une autre contre les renouvelables de décembre signée par des responsables d’entreprises à la retraite. Enfin, début janvier, des élus régionaux ont appelé à la suppression de l’Ademe et de l’Office français de la biodiversité.
Une accélération nécessaire
L’Agence internationale de l’énergie estime qu’atteindre les objectifs climatiques nécessitera que plus de 80 % de l’électricité mondiale provienne de sources décarbonées d’ici 2050. En France, ces ambitions de transition rencontrent une opposition entre nucléaire et renouvelables. Ce discours invisibilise la complémentarité entre les moyens de production et les autres leviers de la transition énergétique.
Les renouvelables, surtout le solaire, sont la première source d’énergie déployée mondialement. Couplées à des batteries, elles deviennent la solution la plus économique et pratique dans de nombreux pays. En France, elles peuvent se déployer plus rapidement et moins cher que le nouveau nucléaire, qui n’est pas attendu avant 2036. Cette production bas carbone doit s’appuyer sur des mesures d’efficacité énergétique, l’électrification de certains usages et des stratégies de sobriété pour réduire efficacement nos émissions de gaz à effet de serre.
Réchauffement climatique : pourra-t-on revenir en arrière ?
Surtout, la transition énergétique offre des bénéfices multiples. Notre dépendance aux énergies fossiles (et fissibles) et leurs coûts actuels et futurs sur la balance économique sont bien réels. Il est donc nécessaire de sortir rapidement des usages thermiques. La transition énergétique est aussi un facteur de justice sociale. Les politiques de rénovation thermique sont fondamentales dans la lutte contre la précarité énergétique. En réhabilitant les logements, nous permettons aux ménages modestes de réduire leur facture et de mieux s’adapter aux vagues de chaleur. Ces politiques créent des milliers d’emplois locaux : artisans, auditeurs énergétiques, ouvriers spécialisés dans les nouvelles technologies.
Enfin, la transition énergétique s’inscrit dans une dynamique d’innovation, de réindustrialisation et de souveraineté. Le secteur des cleantech est l’un des plus prometteurs pour l’avenir de l’Europe, face aux géants chinois ou américains. En France, la construction des gigafactories et la production de batteries dans la « vallée de la batterie » à Dunkerque sont des exemples de cette nouvelle industrie verte.
La désertion n’est pas envisageable
La politique américaine à l’ère Trump privilégie la surenchère et la force. Il n’est pas envisageable de chercher à la copier dans nos pays, en abandonnant les énergies bas-carbone, ce qui mènerait à une impasse : énergie de plus en plus coûteuse, dépendance accrue aux énergies fossiles et fissibles, et augmentation de la précarité énergétique. Sans la transition, les entreprises peineront à se développer dans un contexte de hausse des coûts de l’énergie, et les citoyens vulnérables seront les premières victimes de cette inaction.
Malgré les résistances, nous devons réaliser que sans la transition énergétique, nous condamnerons les générations futures à un monde moins juste, plus pollué et dangereux. Nous avons besoin d’institutions et de cadres forts pour des objectifs concrets. Cessons d’opposer renouvelables et nucléaire. Électrifions et développons l’efficacité énergétique et la sobriété pour notre résilience. Reprenons en main notre industrie décarbonée, notre meilleur atout dans le conflit climatique et économique annoncé.